L’investissement dans les résidences hôtelières d’Appart’City suscite de nombreuses interrogations depuis la crise sanitaire de 2020. Ce leader français de l’appart-hôtel, qui gère plus de 13 000 appartements répartis sur 120 résidences en Europe, a connu des difficultés majeures qui ont impacté directement ses investisseurs. Entre procédures de conciliation, suspension de loyers et renégociations forcées, le modèle économique d’Appart’City révèle des failles structurelles importantes. Comprendre ces mécanismes complexes devient essentiel pour tout investisseur souhaitant évaluer les opportunités et les risques de ce type de placement immobilier.
Analyse du modèle économique Appart’City et structure juridique SCPI
Le modèle économique d’Appart’City repose sur un système tripartite impliquant le promoteur immobilier, l’exploitant et les propriétaires investisseurs. Cette structure permet aux particuliers d’acquérir des appartements meublés dans des résidences de tourisme urbain, principalement destinées à une clientèle d’affaires. L’exploitant s’engage contractuellement à verser des loyers fixes aux propriétaires, généralement compris entre 4% et 4,5% de rendement net annuel, indépendamment du taux d’occupation réel.
Cette promesse de rentabilité garantie constitue l’argument commercial principal, mais elle masque souvent une réalité économique plus fragile. Les appartements sont fréquemment vendus à des prix supérieurs au marché local, justifiés par les avantages fiscaux et la garantie locative. Cependant, cette surfacturation initiale crée un déséquilibre structurel qui se révèle problématique lors des renégociations de bail, typiquement après 9 à 12 ans d’exploitation.
Mécanisme de démembrement de propriété et usufruit temporaire
Contrairement aux SCPI traditionnelles, l’investissement Appart’City implique une acquisition en pleine propriété de lots individuels. Ce mécanisme offre une plus grande flexibilité patrimoniale mais expose également l’investisseur à des risques spécifiques. La durée du bail commercial, généralement fixée à 9 ans renouvelables, détermine la période de garantie locative et les conditions de sortie.
Le démembrement temporaire de jouissance permet à l’exploitant de gérer intégralement le bien pendant la durée contractuelle. Cette délégation complète de gestion présente l’avantage de libérer l’investisseur de toute contrainte administrative, mais elle limite aussi sa capacité d’intervention en cas de difficultés. L’investisseur se retrouve dans une position de créancier vis-à-vis de l’exploitant, avec les risques inhérents à cette situation.
Fiscalité applicable aux revenus locatifs Appart’City
Les revenus générés par l’investissement Appart’City relèvent du régime fiscal des locations meublées non professionnelles (LMNP). Ce statut permet de bénéficier d’avantages fiscaux significatifs, notamment la possibilité de déduire l’amortissement du bien et du mobilier des revenus locatifs. Le régime réel d’imposition autorise également la déduction des frais financiers, charges de copropriété et frais de gestion.
L’abattement forfaitaire de 50% sur les revenus en régime micro-BIC constitue une alternative intéressante pour les petits investissements. Cependant, la récupération de TVA sur l’achat neuf, conditionnée à une conservation minimale de 20 ans, représente un engagement patrimonial important. Cette contrainte temporelle peut limiter la flexibilité de l’investissement, particulièrement en cas de difficultés de l’exploitant.
Statut LMNP et régime micro-BIC pour investisseurs particuliers
Le statut LMNP offre une fiscalité attractive comparée aux investissements locatifs traditionnels. Les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), souvent plus avantageuse que celle des revenus fonciers. Cette classification permet notamment d’éviter les prélèvements sociaux sur certaines plus-values lors de la revente.
Le régime micro-BIC, applicable pour des revenus annuels inférieurs à 70 000 euros, simplifie considérablement les obligations déclaratives. Cependant, le plafond relativement bas peut rapidement être atteint avec plusieurs investissements. Le passage au régime réel devient alors obligatoire , nécessitant une comptabilité plus complexe mais offrant de meilleures possibilités de déduction.
Comparaison avec les SCPI corum, PFO2 et epargne pierre
Les SCPI diversifiées comme Corum ou PFO2 présentent une approche radicalement différente de l’investissement Appart’City. Ces véhicules collectifs mutualisent les risques sur un portefeuille étendu d’actifs immobiliers, réduisant l’exposition aux difficultés d’un exploitant unique. La liquidité des parts de SCPI, bien qu’imparfaite, reste généralement supérieure à celle d’un appartement en résidence de tourisme.
Epargne Pierre, spécialisée dans l’immobilier commercial, offre une transparence accrue sur la composition du portefeuille et les stratégies d’investissement. Cette visibilité contraste avec l’opacité relative des comptes d’exploitation des résidences Appart’City. Les frais de gestion des SCPI, bien que significatifs, sont généralement mieux encadrés et plus transparents que ceux pratiqués dans les résidences de tourisme.
Évaluation des risques financiers et locatifs spécifiques
L’investissement Appart’City présente des risques spécifiques liés à son positionnement sur le segment de l’hôtellerie d’affaires urbaine. La concentration sur cette clientèle particulière expose les résidences à une volatilité importante, comme l’a démontré la crise sanitaire de 2020. La dépendance excessive à un modèle économique unique constitue une faiblesse structurelle majeure du dispositif.
La crise Covid-19 a révélé la fragilité du secteur, avec des chutes de chiffre d’affaires pouvant atteindre 50% selon les déclarations d’Appart’City. Cette situation a conduit l’exploitant à suspendre unilatéralement le versement des loyers à ses 10 000 propriétaires, malgré les obligations contractuelles. Les procédures de conciliation engagées depuis 2020 illustrent les limites du système de garantie locative initialement promis aux investisseurs.
Risque de vacance locative dans l’hôtellerie d’affaires
Le secteur de l’hôtellerie d’affaires subit une transformation profonde liée à l’évolution des pratiques professionnelles. Le développement du télétravail et des réunions virtuelles réduit mécaniquement les besoins en déplacements d’affaires. Cette tendance structurelle, accélérée par la pandémie, questionne la viabilité à long terme du modèle économique d’Appart’City.
Les taux d’occupation moyens des résidences urbaines ont chuté drastiquement en 2020, avec la fermeture complète de la moitié des établissements lors du premier confinement. Cette sensibilité extrême aux restrictions sanitaires révèle la vulnérabilité du positionnement commercial. La concentration géographique en centres-villes amplifie cette exposition aux aléas économiques locaux.
Volatilité du secteur touristique post-COVID sur le RevPAR
Le RevPAR (Revenue per Available Room), indicateur clé de performance hôtelière, a subi des variations importantes dans le portefeuille Appart’City. Cette métrique, qui combine taux d’occupation et prix moyen, reflète directement la capacité de l’exploitant à générer les revenus nécessaires au paiement des loyers. Les résidences urbaines, particulièrement exposées à la clientèle internationale, ont enregistré les plus fortes baisses.
La reprise post-Covid reste inégale selon les destinations et les segments de clientèle. Les centres d’affaires traditionnels peinent à retrouver leur attractivité d’avant-crise, tandis que certaines destinations de loisirs résistent mieux. Cette disparité questionne la stratégie de développement historique d’Appart’City, largement orientée vers les métropoles tertiaires.
Concentration géographique du portefeuille immobilier européen
Le portefeuille Appart’City présente une concentration géographique importante sur les grandes métropoles françaises et européennes. Cette stratégie, justifiée par la demande historique en hébergement d’affaires, crée une exposition significative aux cycles économiques régionaux. Les résidences parisiennes et lyonnaises représentent une part importante des actifs, amplifiant les risques de corrélation.
L’expansion européenne, notamment en Belgique et en Suisse, diversifie partiellement cette exposition mais introduit des risques de change et réglementaires supplémentaires. La gestion centralisée depuis la France peut limiter la réactivité locale face aux spécificités des marchés étrangers. Cette configuration organisationnelle constitue un facteur de risque opérationnel non négligeable.
Risque de contrepartie lié à l’exploitant Appart’City group
Le risque de contrepartie représente l’élément le plus critique de l’investissement Appart’City. La santé financière de l’exploitant conditionne directement le versement des loyers promis aux investisseurs. Les difficultés récentes, matérialisées par 15 à 25 millions d’euros d’arriérés selon les sources, témoignent de la dégradation de cette situation financière.
L’actionnariat d’Appart’City, contrôlé par le fonds canadien Brookfield Asset Management, pourrait théoriquement apporter un soutien financier en cas de difficultés. Cependant, la logique financière de ce type d’investisseur privilégie souvent la rentabilité à court terme plutôt que le soutien inconditionnel aux activités déficitaires. Cette réalité économique expose les petits investisseurs à des négociations défavorables en cas de crise.
Performance financière historique et indicateurs clés
L’analyse des performances historiques d’Appart’City révèle une dégradation progressive depuis 2016, année marquée par une première crise majeure. À cette époque, l’exploitant avait déjà obtenu des baisses de loyers de 15% à 30% auprès de la moitié de ses propriétaires. Cette première restructuration illustrait déjà les faiblesses du modèle économique initial, basé sur des promesses de rendement difficiles à tenir dans la durée.
Le chiffre d’affaires d’Appart’City, qui atteignait 185 millions d’euros avant la crise Covid, intègre une part importante de loyers versés aux propriétaires (environ 35% du total). Cette structure financière crée un effet de levier négatif en cas de baisse d’activité, les charges fixes restant incompressibles malgré la diminution des revenus. Les ratios de solvabilité se dégradent rapidement lorsque le taux d’occupation diminue, comme observé lors des confinements successifs.
Les indicateurs opérationnels montrent une sensibilité extrême aux variations de la demande. Le taux d’occupation moyen, généralement compris entre 70% et 80% en période normale, peut chuter brutalement lors de crises sectorielles. Cette volatilité contraste avec les promesses de stabilité initialement vendues aux investisseurs. La comparaison avec d’autres exploitants du secteur, comme Nemea ou Residhome, révèle des problématiques similaires mais avec des intensités variables selon les stratégies adoptées.
Analyse comparative avec les foncières cotées covivio et accor
La comparaison avec les foncières cotées spécialisées dans l’hôtellerie offre un éclairage intéressant sur les performances relatives d’Appart’City. Covivio, forte de sa diversification sectorielle et géographique, présente une résilience supérieure aux chocs sectoriels. Sa structure de SIIC (Société d’Investissement Immobilier Cotée) offre une transparence financière et une gouvernance encadrée par les autorités de marché.
Accor, leader mondial de l’hôtellerie, a également subi les impacts de la crise sanitaire mais dispose de leviers d’adaptation plus importants. Sa stratégie d’asset-light, privilégiant la gestion et les services à la propriété immobilière, limite l’exposition aux risques patrimoniaux. Cette approche contraste avec le modèle d’Appart’City, où l’exploitant assume simultanément les risques opérationnels et les obligations locatives.
Les valorisations boursières de ces groupes intègrent une prime de liquidité et de gouvernance inexistante dans l’investissement Appart’City. La possibilité de sortie rapide en cas d’évolution défavorable constitue un avantage décisif pour les investisseurs institutionnels. Cette flexibilité se paie par une volatilité quotidienne des cours, mais elle offre une transparence totale sur la valorisation des actifs.
Réglementation AIFM et protection des investisseurs particuliers
Le cadre réglementaire applicable aux investissements Appart’City présente des spécificités importantes par rapport aux véhicules d’investissement collectif traditionnels. Contrairement aux SCPI, soumises à la surveillance de l’AMF et aux obligations de la directive AIFM, les résidences de tourisme évoluent dans un environnement réglementaire moins contraignant. Cette différence de traitement expose les investisseurs particuliers à des risques accrus, notamment en matière de transparence financière et de gouvernance.
Les obligations d’information périodique, limitées aux assemblées générales annuelles de copropriété, ne permettent pas un suivi régulier de la santé financière de l’exploitant. Cette opacité relative contraste avec les exigences de reporting applicables aux gestionnaires d’OPCVM ou de FIA. L’absence de contrôles réguliers par une autorité de tutelle fragilise la position des petits porteurs face aux difficultés de l’exploitant.
Obligations de transparence selon la directive européenne AIFM
La directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers
), adoptée en 2011, impose des standards de transparence élevés aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. Ces obligations incluent la publication régulière d’informations sur la stratégie d’investissement, les risques encourus et les performances réalisées. Cependant, les structures d’investissement Appart’City échappent largement à cette réglementation, créant une asymétrie d’information préjudiciable aux investisseurs particuliers.
Cette lacune réglementaire permet aux promoteurs et exploitants de limiter leurs obligations d’information aux strictes exigences du droit de la copropriété. Les investisseurs ne disposent ainsi que d’informations parcellaires sur les performances opérationnelles réelles des résidences. L’absence de reporting standardisé complique l’évaluation comparative avec d’autres véhicules d’investissement immobilier et masque l’évolution des indicateurs de risque.
Mécanisme de liquidité et durée de blocage des parts
Contrairement aux SCPI qui offrent des mécanismes de rachat et de cession sur le marché secondaire, l’investissement Appart’City implique une immobilisation quasi-totale du capital pendant la durée du bail commercial. Cette illiquidité structurelle expose l’investisseur à un risque de portage important, particulièrement problématique en cas d’urgence financière personnelle. Les quelques transactions observées sur le marché secondaire s’effectuent généralement avec des décotes significatives, pouvant atteindre 30% à 40% du prix d’acquisition initial.
La revente anticipée nécessite souvent l’accord préalable de l’exploitant, créant une situation de dépendance supplémentaire. Cette contrainte contractuelle peut retarder ou même empêcher la cession du bien, piégeant l’investisseur dans un actif non performant. Les frais de transaction, comprenant les honoraires d’agence, les droits de mutation et les frais de notaire, grèvent davantage la rentabilité finale de l’investissement.
Rôle du dépositaire et contrôles AMF sur les véhicules d’investissement
L’architecture juridique des investissements Appart’City ne prévoit pas la nomination d’un dépositaire indépendant, contrairement aux OPCVM et FIA régulés. Cette absence prive les investisseurs d’un contrôle externe sur la gestion des fonds collectés et l’utilisation des loyers perçus. Le dépositaire joue normalement un rôle crucial de surveillance des flux financiers et de protection des intérêts des porteurs de parts.
Les contrôles de l’AMF, limités aux aspects de commercialisation des produits financiers, ne s’étendent pas à la gestion opérationnelle des résidences. Cette situation contraste avec l’encadrement strict applicable aux SCPI, soumises à des audits réguliers et à des obligations de provisionnement. L’investisseur particulier se trouve ainsi démuni face aux éventuels dysfonctionnements de gestion ou aux conflits d’intérêts potentiels entre les différents acteurs du montage.
Stratégies d’optimisation fiscale et sortie d’investissement
L’optimisation fiscale de l’investissement Appart’City nécessite une approche stratégique intégrant les contraintes temporelles et les évolutions réglementaires. Le respect de la durée minimale de détention de 20 ans pour conserver l’avantage de la récupération de TVA constitue un élément central de cette stratégie. Cependant, cette contrainte peut entrer en conflit avec l’évolution de la situation patrimoniale de l’investisseur ou les difficultés de l’exploitant.
La planification de la sortie d’investissement doit anticiper plusieurs scénarios : renouvellement du bail commercial aux conditions initiales, renégociation à la baisse des loyers, ou résiliation du bail pour exploitation directe. Chaque option présente des implications fiscales différentes et nécessite une préparation juridique adaptée. L’accompagnement par un conseil en gestion de patrimoine spécialisé devient essentiel pour naviguer dans cette complexité réglementaire.
Les stratégies de défiscalisation par l’amortissement du bien et du mobilier permettent de créer un déficit fiscal reportable sur les revenus futurs. Cette optimisation reste toutefois conditionnée à la perception effective des loyers, remise en question par les difficultés récentes d’Appart’City. La suspension des paiements compromet directement l’efficacité du montage fiscal initialement prévu, transformant un avantage théorique en désavantage pratique pour de nombreux investisseurs contraints de subir des baisses de revenus sans compensation fiscale équivalente.